Accompagnement psychologique : Quid de la temporalité ?

En psychologie, la distinction a été établie entre le temps objectif, que l’on comptabilise aisément sur un calendrier, et le temps subjectif, appelé également « temps psychologique ».

Le temps psychologique a été appréhendé sous le concept de «perspective temporelle» qui renvoie à « la totalité des points de vue d’un individu à un moment donné sur son futur psychologique et sur son passé psychologique » (Lewin, 1942).

Cette perspective reste propre à chacun puisqu’elle est le fruit d’expériences telles que la personne les a vécues et pensées. Ainsi, la perspective temporelle va déterminer la signification psychologique des diverses expériences en fonction de l’histoire de vie de chacun, et donc parfois s’éloigner des représentations communément partagées. Par exemple, des recherches ont montré qu’un individu qui fait l’expérience du chômage n’est pas forcément affecté négativement. Cette situation peut ainsi offrir un temps propice à de nouveaux projets (Fryer & Payne, 1986). Ce temps psychologique tel qu’il est pensé et vécu représente une dimension essentielle dans le rapport que les personnes vont entretenir avec leur situation sociale (Allport, 1948). Dans une approche psychosociale, la perspective temporelle semble indiscutablement liée aux variations sociales et culturelles des expériences vécues, qui sous-tendent les dynamiques de la socialisation de la personne (Demarque & le Blanc, 2016).

Dans l’accompagnement, la temporalité représente une dimension fondamentale (Demarque, Beder, Calvayrac, Passédat & le Blanc, 2016), car ce travail de co-construction ne peut s’accomplir qu’à travers un lent cheminement. L’exercice de co-construction d’un projet engage la personne accompagnée dans une alliance de travail et l’accompagnant dans une position clinique. Cette posture de guide a pour ambition de se préoccuper de la personne dans sa pluralité identitaire (Lahire, 2001 ; Almudever & Dupuy, 2016). Dans cette relation de confiance, le sujet est considéré comme un acteur qui va décortiquer son parcours et faire des liens entre les différentes situations vécues (Mezza, 2013).

En conclusion, un accompagnement en psychologie ne peut répondre à cadre prédéfini de temps, tels qu’un nombre de séances. L’accompagné doit pouvoir s’inscrire dans une pleine liberté de pouvoir cheminer à son rythme.

Écrit par Ingrid Ariech, le 9/01/2025

Bibliographie :

- Allport, G.W. (1948). Foreword. In K. Lewin (Ed.), Resolving social conflicts.

New-York : Harper & Brothers

- Almudever, B. & Dupuy, R. (2016). Introduction. Sujets pluriels : la construction de la personne à l’articulation de différents milieux et temps de socialisation. Nouvelle revue de psychosociologie, 22(2), 7-20.

- Demarque, C., Beder, A., Calvayrac, A., Passédat, L. & le Blanc, A. (2016). Pluralité des perspectives temporelles et conditions de mobilisation dans les situations de précarité d’emploi. Nouvelle Revue de Psychosociologie, (2), 22, 95-110.

- Demarque, C & le Blanc, A. (2016). Perspectives temporelles au travail. Dans G. Vallery, M.- E. Bobillier-Chaumont, E. Brangier & M. Dubois (sous la dir.) Psychologie du Travail et des Organisations : 110 notions clés (pp. 324-326). Paris : Dunod

- Fryer, D.M., & Payne, R. (1986). Being unemployed: A review of the literature on the psychological experience of unemployment. In C.L. Cooper & I. Robertson (Eds.), International Review of Industrial and Organizational Psychology (pp. 235-278). England: Wiley.

- Lahire, B. (2001). L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action. Paris : Hachette.

- Mezza, J. (2013). Le conseil en orientation auprès des personnes en situation de handicap. In I. Orly-Louis, V. Guillon & E. Loarer. Psychologie du conseil en orientation (pp 213- 228). Bruxelles : De Boeck.